Ce dimanche 14 janvier, se disputait au Stade de la Beaujoire la 18ème journée de Ligue 1 entre le FC Nantes et Clermont Foot 63. Un match qui signait la reprise du championnat après une trêve hivernale toujours un peu trop longue à vivre pour les supporters. Au coup d’envoi, les Auvergnats sont derniers mais à seulement 3 points du barragiste toulousain, tandis que les Nantais sont 13èmes, mais eux ne comptent que 3 points d’avance sur cette même équipe du TFC.
Une rencontre qui s’annonce donc déjà déterminante dans l’optique du maintien, une ambition commune aux deux clubs du jour. Une tension qui s’est fait ressentir tout du long de la partie avec bien souvent des interventions très appuyées de chaque côté, reste que cette friction n’a pas cessé à l’issue du match, donnant lieu à de longues remises en question sur les réseaux sociaux. Des questionnements qui concernent notamment un acteur de la rencontre : Romain Lissorgue, arbitre du jour, qui n’a pas manqué de prendre des décisions décisives.
Un arbitre pas coutumier des Canaris
Ce dimanche après-midi à la Beaujoire, M.Lissorgue disputait son 23ème match en tant qu’arbitre central de Ligue 1, mais seulement son second aux côtés des Nantais. Cette unique rencontre par le passé voyait déjà s’affronter Canaris et Clermontois, c’était en 2021, pour sa première année dans l’élite. Cette saison là, celui qui est originaire d’Île de France avait été promu suite à une excellente saison en Ligue 2, avant d’être rélégué à l’issue de sa pemière expérience au plus haut niveau.
En 2023-2024, Romain Lissorgue a de nouveau obtenu le droit de fouler les pelouses de Ligue 1, mais n’avait jusqu’alors pas connu de matches particulièrement polémiques. Jusqu’à l’expulsion de Bénie Traoré, M.Lissorgue n’avait d’ailleurs pas encore sorti son carton rouge en Ligue 1 cette saison, et n’avait désigné qu’une seule fois le point de penalty, lors de la victoire de Clermont contre Lorient en novembre dernier.
À l’occasion de la rencontre de ce dimanche, Romain Lissorgue a enfin eu droit à ce match polémique, nourrit par 3 situations de potentiels penaltys, et 3 autres d’éventuelles expulsions. Nous analyserons ici ces 6 situations, auxquelles nous rajouterons un coup d’œil sur la validité du dernier but clermontois.
Remarques liminaires : cette analyse est effectuée par un arbitre officiel amateur ne prétendant pas détenir la vérité absolue. Elle se base essentiellement sur les textes des Lois du Jeu, des déclarations publiques d’Antony Gautier (directeur de l’arbitrage) ainsi que sur la jurisprudence créée par des situations antérieures. Reste que chacune des décisions arbitrales prises le sont dans le contexte d’un match en particulier, et ne doivent pas systématiquement être comparées.
Première période : La surface clermontoise, théâtre du jour
- 34ème minute, (les extraits analysés sont disponible sur Prime Vidéo) après une première demi-heure assez tranquille, et plutôt dominée par des Nantais entreprenants, le premier fait important du match a lieu. Pedro Chirivella sur son côté droit effectue un centre piqué en direction de la surface clermontoise. Florent Mollet et Massamba Ndiaye, le gardien de Clermont, se disputent la réception du ballon. Celui-ci arrive finalement sur la tête du Nantais, avant de rebondir sur les gants du portier clermontois, la dernière collision a lieu entre le coude du gardien et le visage de Florent Mollet qui s’écroule, persuadé d’obtenir un penalty. L’arbitre ne signale rien.
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- Ici, il faut avant tout réalisier que Massamba Ndiaye touche bel et bien le ballon, c’est même dans l’ordre chronologique le dernier à l’avoir touché, on ne peut donc pas considérer qu’il soit en retard. Reste qu’il y a évidemment un contact entre son coude et le visage du Nantais.
Dans ce genre de situation, il faut prendre en compte la spécificité du gardien de but, qui est le seul à pouvoir utiliser ses bras sur le terrain. Dans ce cas de duel aérien, l’on va considérer les bras et les mains d’un gardien comme on considérerait la tête d’un joueur de champ. Faisons alors la comparaison :
Imaginons un joueur A et un joueur B au duel pour réceptionner un ballon aérien. Le ballon touche la tête du joueur A, puis la tête du joueur B, et enfin les deux têtes rentrent en collision. Il n’y aura pas lieu de siffler faute, aucun des deux joueurs n’étant plus fautif que l’autre, la décision adéquate étant d’arrêter le jeu pour vérifier la santé des concernés, et reprendre par une balle à terre. C’est le choix qu’a fait ici M.Lissorgue, un choix judicieux. Bonne décision✅
L’on peut en revanche critiquer la non-décision de l’arbitre qui aurait pu sur le coup faire un geste du bras pour indiquer qu’il ne considère pas le contact comme une faute, à l’image ici, il donne plutôt l’impression dans un premier temps de ne pas avoir vu le contact.
- Ici, il faut avant tout réalisier que Massamba Ndiaye touche bel et bien le ballon, c’est même dans l’ordre chronologique le dernier à l’avoir touché, on ne peut donc pas considérer qu’il soit en retard. Reste qu’il y a évidemment un contact entre son coude et le visage du Nantais.
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- 38ème minute, peu de temps après le choc subi, qui n’est finalement qu’un dommage collatéral non sanctionnable, Florent Mollet s’investit défensivement et intervient sur Cheick Konaté. L’intervention n’est pas maîtrisée, et cette fois le Nantais ne touche pas le ballon. Monsieur Lissorgue siffle immédiatement et distribue un carton jaune à Florent Mollet.
- La frustration se ressent dans le geste de Florent Mollet, qui vient avec beaucoup trop d’engagement. Il met de la vitesse, mais l’intensité reste mesurée, et l’impact n’a pas lieu avec la semelle de la chaussure. Ici, c’est une « attitude inconsidérée » aux yeux des Lois du Jeu, ne nécessitant donc pas plus qu’un carton jaune. Bonne décision✅
Reste qu’il faut bien noter qu’à la vue à la fois de l’intention revancharde du joueur et du caractère de vitesse du geste, une expulsion n’aurait pas été une erreur manifeste.
- La frustration se ressent dans le geste de Florent Mollet, qui vient avec beaucoup trop d’engagement. Il met de la vitesse, mais l’intensité reste mesurée, et l’impact n’a pas lieu avec la semelle de la chaussure. Ici, c’est une « attitude inconsidérée » aux yeux des Lois du Jeu, ne nécessitant donc pas plus qu’un carton jaune. Bonne décision✅
- 39ème minute (à 1:55 sur la vidéo ci-dessus), décidément, ces dernières minutes sont absolument électriques. À la suite d’un corner, Pedro Chirivella frappe au but, c’est arrêté et renvoyé à l’entrée de la surface. Douglas Augusto reprend alors le ballon en tentant une louche, immédiatement contrée du bras par Bilal Boutobba. Aucune faute signalée par M.Lissorgue.
- Le premier cas dans lequel les Lois du Jeu considèrent qu’une main est sanctionnable, c’est si celle-ci est faite délibérément. Cette option est à écarter tant le quart de seconde entre la passe de Douglas Augusto et le contact avec la main empêche toute réflexion du défenseur.
Pour le reste, c’est forcément beaucoup plus complexe, et commencons par le dire : tous les arbitres n’auraient pas pris la même décision. Cela s’illustre notamment par le fait que Benoît Millot, assistant à la VAR, a considéré que cette main devait être revue, tandis que Romain Lissorgue est resté sur sa décision initiale.
Les Lois du Jeu (Loi 12.1) expliquent qu’une main doit être sifflée si le joueur a artificiellement augmenté la surface de son corps, et que la position du bras ne peut pas être expliquée par le déplacement du joueur.
Sur cet arrêt sur image, qui est un des angles proposé à M.Lissorgue par M.Millot, le constat est frappant : il est difficile de distinguer la position de la main. Une observation qui nous guide forcément vers une question : le bras de Boutobba augmente-t-il vraiment la surface de son corps ?
La réponse apportée dans cet article est alignée avec celle de Romain Lissorgue : non.
En fait, la distance ici est prise en compte, pas tant dans le sens où le clermontois n’avait pas le temps d’enlever sa main, objectivement, il aurait pu la mettre ailleurs. Ici le critère de la distance est retenu dans le sens où le mètre entre Augusto et le Clermontois, additionné à la trajectoire du ballon qui va en direction de Boutobba, fait que la balle ne pouvait physiquement finir ailleurs que sur le joueur en question, sur son torse ou sur sa tête.
De plus, même dans l’hypothèse où son bras était légèrement excentré de son tronc (ce qu’un autre angle peut laisser penser), Boutobba n’aurait probablement pas été sanctionné, le contact avec la main se trouvant dans la surface orange illustrée ci-dessus. Dans ce cas là, et si le joueur est en mouvement, la tendance sera plutôt de ne pas signaler de faute.
Bien que cette situation conserve un caractère subjectif, les différents éléments apportés amènent à qualifier le choix de Romain Lissorgue de bonne décision✅.
- Le premier cas dans lequel les Lois du Jeu considèrent qu’une main est sanctionnable, c’est si celle-ci est faite délibérément. Cette option est à écarter tant le quart de seconde entre la passe de Douglas Augusto et le contact avec la main empêche toute réflexion du défenseur.
- 39ème minute (toujours), c’est dans ce genre de moment qu’il faut rester lucide. Suite à la situation de main de Boutobba, les Clermontois amorcent une contre-attaque. Reste que l’attaquant auvergnat est taclé par Quentin Merlin, et qu’à nouveau, M.Lissorgue ne porte pas le sifflet à la bouche.
- Dans cette situation, il est clair que la trajectoire du ballon est déviée suite au tacle de Merlin, et qu’en zoomant, le défenseur nantais touche bien le ballon. La chute du Clermontois est essentiellement due à sa vitesse. En se relevant, il chute à nouveau, mais seulement car il trébuche sur Quentin Merlin qui ne s’est pas encore relevé de son tacle initial, aucune faute n’est donc commise. Bonne décision✅
Si Quentin Merlin n’avait pas réussi à toucher le ballon, il aurait du être exclu pour avoir anéanti une occasion de but manifeste en commettant une faute passible d’un coup franc.
- Dans cette situation, il est clair que la trajectoire du ballon est déviée suite au tacle de Merlin, et qu’en zoomant, le défenseur nantais touche bien le ballon. La chute du Clermontois est essentiellement due à sa vitesse. En se relevant, il chute à nouveau, mais seulement car il trébuche sur Quentin Merlin qui ne s’est pas encore relevé de son tacle initial, aucune faute n’est donc commise. Bonne décision✅
Seconde période : triste mi-temps pour les Nantais, réduits à 10
- 58ème minute, Bénie Traoré est lancé par Kader Bamba dans la surface de réparation clermontoise, en duel avec le gardien, il effectue un crochet avant d’être fauché dans la foulée par Ndiaye. L’arbitre désigne le point de penalty (tout comme Bamba qui se livre au passage à un original jeu de mime), avant de se raviser et de signaler un hors-jeu pour Clermont.
- Pas de débat sur cette situation, le hors-jeu est plus que clair, et aucun Nantais ne conteste d’ailleurs. Rappelons quand même les bases des Lois du Jeu : si deux infractions sont consécutives, c’est la première qui est techniquement sanctionnée, ici c’est donc l’infraction de hors-jeu qui est priorisée. Bonne décision ✅
Notons tout de même que dans le cas où le placement de Bénie Traoré avait été initialement correct, la sanction aurait été dans tous les cas un carton jaune au gardien, et non pas « au moins un jaune » comme le disent sur le coup les commentateurs de la rencontre. En effet, bien que l’infraction soit une annihilation d’une occasion de but manifeste, celle-ci a lieu dans la surface et le fautif a tenté de disputer le ballon, le rouge se transforme donc en jaune.
- Pas de débat sur cette situation, le hors-jeu est plus que clair, et aucun Nantais ne conteste d’ailleurs. Rappelons quand même les bases des Lois du Jeu : si deux infractions sont consécutives, c’est la première qui est techniquement sanctionnée, ici c’est donc l’infraction de hors-jeu qui est priorisée. Bonne décision ✅
- 73ème minute, personne ne s’y attend vraiment, mais M.Lissorgue se rend à nouveau au niveau de la zone de visionnage VAR. À l’image, l’arbitre se rend compte qu’au moment où Bénie Traoré effectue sa remise dans la surface clermontoise, il vient planter ses crampons sur la jambe de son adversaire. La décision surprend le stade, mais c’est un carton rouge pour la recrue nantaise.
- Cette expulsion est un incontournable. C’est d’ailleurs pour cela que M.Lissorgue est appelé à la VAR alors qu’aucune contestation n’a lieu du côté clermontois. Le préalable à l’analyse de cette situation est de rappeler que dans ce cas précis, le fait de toucher ou non le ballon n’a pas d’intérêt. Le geste de Bénie Traoré doit être considéré comme une faute grossière (motif d’expulsion de la Loi 12.3) pour la raison que celui-ci dispute le ballon tout en mettant manifestement en danger l’intégrité physique de son adversaire. Plusieurs critères sont à prendre en compte pour analyser le geste :
L’intensité d’abord, qui est indiscutable quand on voit à quel point la jambe de son adversaire se tord brutalement.
La vitesse ensuite, qui est inévitable car Bénie Traoré en use pour remiser le ballon.
L’impact enfin, qui a lieu entre les crampons de l’attaquant nantais et le haut du tibia du Clermontois, le pied du nantais descendant ensuite le long de la jambe pour se bloquer sur le mollet adverse.
Bonne décision✅
- Cette expulsion est un incontournable. C’est d’ailleurs pour cela que M.Lissorgue est appelé à la VAR alors qu’aucune contestation n’a lieu du côté clermontois. Le préalable à l’analyse de cette situation est de rappeler que dans ce cas précis, le fait de toucher ou non le ballon n’a pas d’intérêt. Le geste de Bénie Traoré doit être considéré comme une faute grossière (motif d’expulsion de la Loi 12.3) pour la raison que celui-ci dispute le ballon tout en mettant manifestement en danger l’intégrité physique de son adversaire. Plusieurs critères sont à prendre en compte pour analyser le geste :
- 89ème minute, à 10 contre 11, les Nantais tiennent, enfin presque. Juste avant la fin du temps réglementaire, Jim Allevinah vient éteindre les efforts nantais en portant le score à 2-1. Reste que sur le corner précédent, Nicolas Pallois se plaint d’un choc au visage, justifiant selon lui l’annulation du dernier but. Romain Lissorgue valide tout de même celui-ci.
- Nicolas Pallois essaye de tenter le tout pour le tout avec l’arbitre, c’est le jeu. En effet, sur le corner précédent, il est à la lutte avec un Clermontois qui vient poser son bras sur l’épaule gauche du taulier nantais. Reste que, même dans l’hypothèse où ce bras serait entré en contact avec le côté gauche du visage de Pallois, le défenseur nantais se plaint de la pommette droite, où une marque rouge est effectivement visible. Cette marque n’est en revanche que la conséquence de la reprise du ballon de la tête, visiblement pas complétement maîtrisée, du défenseur nantais. Aucune raison d’annuler le but donc. Bonne décision✅
Aussi surprenant que cela puisse paraître, aucune décision prise par Romain Lissorgue cet après-midi n’est manifestement erronée. Contre Nice la saison dernière, ou contre Rennes au mois d’octobre dernier, quelques décisions ne semblaient fondamentalement pas correctes. Tandis qu’ici, à part le manque de lisibilité de Romain Lissorgue qui, à aucun moment, ne fait de gestes avec ses bras pour signaler sa décision de ne pas siffler penalty sur les situations de la première période, aucune équipe ne peut objectivement se plaindre d’avoir été lésée.