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Maxime Bossis revient avec émotion sur l’un des matchs les plus dramatiques du football français

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Maxime Bossis lors de la finale de la Coupe de France 1983 avec Nantes contre Paris (Alain de Martignac / Icon Sport)

Formé au FC Nantes, Maxime Bossis a raconté cette soirée du 8 juillet 1982 lors d’un entretien avec L’Equipe.

A l’âge de 17 ans, un modeste arrière gauche vendéen débarque sur les bords de Loire en provenance du FC Yonnais. L’année suivante, il intègre l’équipe première et remporte le championnat de France, le troisième de l’histoire du club (1965, 1966, 1973). Presque 50 ans plus tard, ce jeune joueur est l’un des plus grands joueurs de l’histoire du club avec trois titres de champions de France et une demi-finale de Coupe d’Europe. Ce jeune joueur, c’est Maxime Bossis.

A côté de son aventure inoubliable dans la Cité des Ducs, Maxime Bossis a évolué une dizaine d’années avec les Bleus pour 76 sélections. Sous ce maillot, il vivra l’un des plus grands matchs de l’histoire du football, mais aussi l’un des plus dramatiques du football français.

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Dominique Rocheteau et Bernard Genghini lors de la séance de penalty de RFA – France 1982 (Icon Sport)

Une compétition complexe

Remettons-nous dans le contexte. A l’été 1982, c’est la douzième édition de la Coupe du Monde de Football. Elle se déroule en Espagne et voit l’Argentine remettre son titre en jeu. L’Equipe de France menée par Maxime Bossis et Michel Platini débute mal la compétition par une défaite sans appel face à l’Angleterre 3 à 1. Elle se rattrape contre le Koweït (4-1) puis peine contre la Tchécoslovaquie (1-1), mais elle réussit tout de même à se qualifier juste derrière l’Angleterre.

Pour le second tour, l’EDF se qualifie aisément en demi-finale avec une victoire contre l’Autriche et contre l’Irlande du Nord. Elle se verra donc affronter la RFA, aux portes de sa potentielle première finale de Coupe du Monde. Pour rappel, à cette époque le second tour se joue en 4 poules de 3 équipes, qui s’affrontent tour à tour. Ce système est abandonné en 1986 au profit des matchs à éliminations directes.

Un match traumatisant

Cette demi-finale débute dans une difficulté immense pour les Bleus. En effet, l’équipe de Jupp Derwall bouscule l’EDF avec leur puissant pressing et leur grande intensité. « Les Allemands nous rentrent dedans, pour nous marquer mentalement, déclare Maxime Bossis en se remémorisant le match. Le porteur du ballon rentre à fond la caisse dans notre camp, surtout Briegel […] Pour la même taille que moi, il pèse dix kilos de plus ». L’Allemagne de l’Ouest ouvre rapidement le score à la 17ème minute.

« En 1982, un France – Allemagne, ça reste chargé de sens. Le Coq contre le Panzer…Nos parents ont connu la guerre. Tout le monde est devant la télé » – Jean-Luc Ettori, gardien des Bleus en 1982

Dès l’ouverture du score, les Bleus sont remotivés et inversent la tendance en jouant avec un bloc bas, laissant les Allemands commettre des fautes à répétition. C’est justement sur un coup franc que Dominique Rocheteau obtient un penalty suite à un accrochage de Bernhard Förster. Il est transformé par Michel Platini qui permet aux Bleus de revenir dans la course.

« A la pause, les Allemands doutent, ils sont prenables. On n’est guère en difficulté derrière. Le coach nous pousse à continuer notre jeu vers l’avant » – Maxime Bossis au micro de L’Equipe.

A la rentrée des vestiaires, les Français continuent sur leur dernière lancée et inscrivent quelques minutes plus tard le but de 2-1 par le prisme de Dominique Rocheteau. Mais le but sera refusé pour une faute sur Bernhard Förster, les Bleus doivent tout recommencer. En face d’eux, les Allemands deviennent de plus en plus agressifs, à l’affiche de leur gardien, Harald Schumacher, qui avait en première période multiplié les fautes et les provocations. Mais Schumacher n’en a pas fini avec les bavures.

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Michel Platini transformant son penalty (Icon sport)

L’attentat Battiston-Schumacher

En début de seconde période, le milieu de terrain Bernard Genghini sort sur blessure après une vilaine faute du défenseur allemand Manfred Kaltz en fin de première mi-temps. « Je me rend compte que je n’ai pas grand chose à envier à Kaltz, remarque Maxime Bossis. Pourtant pilier à Hambourg, le meilleur club allemand ». Genghini est alors remplacé par Patrick Battiston, arrière latéral habituellement.

« C’est Battiston, un défenseur, qui lui succède car aucun milieu de terrain ne figure sur le banc de touche, précise Maxime Bossis. Ni Girard, ni Larios. Le problème, il est là »

Une dizaine de minutes après la reprise, Michel Platini lance Battiston sur une superbe ouverture. Schumacher sort de sa cage, Battiston rate le cadre mais le portier allemand continue sa course et tamponne le français au visage avec sa hanche. Sans même toucher le ballon, sans même y penser. Le joueur des Bleus reste au sol inconscient, pris de spasmes nerveux. Il sort sur civière quelques minutes après son entrée. Aucun carton n’est brandi à l’encontre du portier allemand, aucune faute n’est sifflée. L’arbitre n’a rien vu. Certains analystes classeront ce jugement comme une des pires décisions d’arbitrage et une des plus grandes injustices de l’histoire de la Coupe du monde.

« Ah il (Schumacher) n’a pas fait le voyage pour rien !, ironise Thierry Roland après avoir vu le contact au ralenti. Honte à vous M. Corver, honte à vous ! »

Il n’y a pas que les commentateurs qui sont choqués par le geste et la décision de l’arbitre. En effet, le Dr Maurice Vrillac, venu porté secours à Battiston, est allé voir l’arbitre pour lui signaler l’importance du choc. « On lui a fait remarquer que le choc était d’une telle violence […] qu’il y avait atteinte à la vie d’un joueur mais il n’a rien sifflé ».

Après ce drame, les Bleus sont plus motivés que jamais à l’image de Maxime Bossis qui monte davantage et frappe même des vingt mètres. « Le jeu reprend enfin…Portés par un désir de vengeance, nous revenons très fort, déclare avec rage le défenseur nantais. Nous basculons dans une autre dimension psychologique. Je sors de moi-même ».

Les français réalisent une très bonne seconde période et dominent largement les allemands, aidés par le public de Séville qui hue chaque intervention de Schumacher. Mais les Bleus manquent de réalisme dans les derniers gestes. Les dernières minutes du temps réglementaire sont brulantes. Le latéral français Manuel Amoros arme sa frappe et voit le ballon percute la transversale du gardien allemand. Mais quelques instants plus tard, c’est les Bleus qui frissonnent après une parade en deux temps spectaculaire de Jean-Luc Ettori.

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Jean-Luc Ettori stoppant le butteur allemand Klaus Fischer (Gerard Bedeau / Onze / Icon Sport )

Le rêve Bleu

Malgré leur frayeur en fin de seconde période, les Bleus continuent leurs offensives. Après seulement trois petites minutes, Marius Trésor offre l’avantage à ses coéquipiers sur coup franc d’une reprise de volée imparable. Un second trésor va s’offrir aux Bleus quelques minutes plus tard.

A la suite d’une belle action collective, Didier Six sert Alain Giresse en retrait qui délivre une praline à l’entrée de la surface. La frappe est intouchable, elle frappe le poteau et offre deux buts d’écart aux Bleus. « Je vois ce mec de 32 ans avec tellement de rage en lui, les larmes aux yeux après son but de dingue », déclare Manuel Amoros avec des étoiles dans les yeux.

« Ce but hors du commun prolonge le sentiment d’irréel qui règne depuis la sortie de Patrick (Battiston). Je flotte en dehors de moi-même » – Maxime Bossis avec émotion

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Didier Six et Alain Giresse célébrant le but de ce dernier (Gerard Bedeau/Icon Sport)

Le cauchemar

Après ce but merveilleux du joueur des Girondins de Bordeaux, les Bleus se relâchent. Après deux fautes non sifflées pour les français, les allemands contre-attaquent et réduisent le score grâce à Karl-Heinz Rummenigge, tout juste entré en jeu. Suite à ce but, les français semblent débordés et se remémorent le début de la partie. « Psychologiquement, la situation s’inverse. Jusqu’à 2-1 ou 3-1, on était presque en situation de force parce qu’on tenait tête aux allemands », précise Maxime Bossis.

« Les allemands se disent qu’ils n’ont rien à perdre et ils ont l’habitude de revenir. C’est là qu’on recommence à avoir peur comme au début du match, alors qu’on mène » – Maxim Bossis au micro de l’Equipe

Les allemands enchaînent les offensives et égalisent au retour du vestiaire de la légendaire retournée acrobatique d’Horst Hrubesch après une remise de la tête. Les prolongations se termineront sur le score de 3 à 3. Pour la première fois de l’histoire de la Coupe du monde, on assistera à une séance de tirs au but.

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La retournée acrobatique de Klaus Fischer (Picture Alliance / Icon Sport)

Les tirs au buts

Alain Giresse, le troisième buteur français, s’élance pour le premier tir au but et trompe Schumacher à contre pied. Manfred Kaltz enchaîne et bat Jean-Luc Ettori également à contre pied. « Je ne l’ai (Kaltz) jamais raté un penalty ! », ajoute Jean-Michel Larqué lors de sa course. Manuel Amoros, pour sa première compétition internationale, continue sur l’élan des trois précédents, tout comme le latéral allemand Paul Breitner. Le score est de deux partout. La pression ne fait que de monter. « Vous avez perdus la parole Thierry (Rolland) ? », interroge Jean-Michel Larqué.

Dominique Rocheteau s’élance pour prendre l’avantage, lui qui avait vu son but être refusé en début de seconde période. Il prend une nouvelle fois Schumacher à contre pied. C’est désormais le tour d’Ulrich Stielike, milieu de terrain du Real Madrid. Il décoche une frappe puissante mais Jean-Luc Ettori se place bien et permet aux Bleus de mener au score.

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Toni Schumacher réconfortant Uli Stielke après son tir au but manqué (Picture Alliance / Icon Sport)

C’est alors au tour de Didier Six, passeur décisif pour Alain Giresse. Alors que le réalisateur espagnol filme encore Uli Stielke les mains aux visages, l’ailier gauche rate son tir au but à son tour. Tout est à refaire, Maxime Bossis raconte. « Je me suis dit « Oula ! ». S’il y a égalité, il y en a qui vont fuir, explique le défenseur nantais. En étant cadre de l’équipe, je ne pourrais pas dire non si personne ne se porte volontaire« .

Pierre Littbarski, milieu offensif du FC Cologne s’élance d’un pas décidé et bat Ettori pourtant parti du bon côté. Les deux équipes sont de nouveau à égalité. C’est désormais à Michel Platini, futur héros de l’Euro 1984. Il replace le ballon, lance sa course et trompe à contre pied Schumacher. C’est alors la première balle de match. Karl-Heinz Rummenigge, le deuxième buteur allemand du match, qui s’y colle. Il s’élance et bat une seconde fois Ettori qui n’a même pas bougé.

« Quand on est pas dans les cinq, on est pas préparé psychologiquement » – Maxime Bossis

Les cinq premiers jours sont passés de chaque côté, désormais toutes les erreurs peuvent anéantir tout espoir. Maxime Bossis traverse le rond central et place le ballon. « Ca semble une éternité. Je ne sais pas quoi faire, je ne sais pas où tirer ». Le numéro 4 s’élance, choisi le côté gauche, celui où Schumacher plongeait depuis le début, et voit sa frappe s’arrêter par le portier allemand. « Personne ne m’avait dit qu’il avait toujours plongé du même côté. C’était un autre monde. Aujourd’hui un entraîneur ou un joueur serait venue me dire « Attention il plonge toujours à sa droite ! », explique le défenseur nantais.

Je voulais pas le revoir mais j’ai revu ce penalty parce qu’on reparle de ce match quarante ans après […] Je ne le rate pas, je le tire mal !

Schumacher lève le poing droit en l’air pendant que Bossis s’accroupit dépité. L’Allemagne n’est donc qu’à un seul tir au but de sa quatrième finale de Coupe du monde de son histoire. Horst Hrubesch, le buteur de la légendaire retournée acrobatique, place le ballon sur le point de penalty et lance sa course. Il trompe Ettori d’un contre pied parfait et envoie son équipe en finale de Coupe du monde.

« Je m’en veux terriblement. J’étais submergé par tellement d’émotion, témoigne Maxime Bossis. Je n’ai plus jamais retiré de penalty de ma vie »

Cette rencontre restera à jamais gravé dans l’histoire du football français par sa violence et son injustice. Surnommée « La nuit de Séville », elle fait partie des plus grands matchs de l’histoire du football de part da dramaturgie.

L’interview complète de Maxime Bossis est à retrouver sur le site de l’Equipe ou sur ce lien.

Thomas Poirier.

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